L’une des caractéristiques les plus intrigantes du cerveau est sa capacité à s’adapter continuellement aux expériences que nous vivons tout au long de notre vie (expériences physiques, affectives …). Le remodelage de notre cerveau sous-entend des modifications à plusieurs échelles non seulement moléculaire ou cellulaire mais également fonctionnelle.
De manière générale, chaque expérience va se traduire par des augmentations ou des diminutions durables de la force des connexions synaptiques. L’accumulation de tels phénomènes d’apparence mineures, peuvent mener jusqu’à des modifications à plus grande échelle (physiologiques, morphologiques structurelles …). Très bien détaillée dans les phénomènes d’apprentissage, la plasticité est souvent assimilée comme une conséquence d’un processus long plutôt qu’à un phénomène ponctuel et immédiat.
A travers l’exemple d’une blessure articulaire, nous détaillerons deux phénomènes de plasticité à court-terme.
L’immobilisation 1
L’immobilisation après une blessure peut être conseillée voire imposée dans certains cas. Physiologiquement, il existe une activité spontanée entre les régions cérébrales motrices lorsqu’on est au repos. Cette activité de faible intensité peut être révélatrice d’une connexion fonctionnelle entre les régions motrice même en absence de stimulus et/ou de mouvement volontaire.
Dans le cadre d’une immobilisation de 48h, l’activité spontanée entre les régions motrices du membre immobilisé semble disparaitre (voir figure ci-dessous), entrainant une sorte de déconnexion fonctionnelle avec les autres régions cérébrales motrices. La persistance de l’immobilisation et de son phénomène de plasticité est un élément d’explication, en plus des conséquences musculaires (amyotrophie …), de la difficulté de rééducation lors de la reprise de mouvement.
# L’inhibition motrice 2
Certaines blessures sont associées à une inhabilité de contraction volontaire des muscles environnant. Documenté sous le terme d’« Arthrogenic Muscle Inhibition », ce mécanisme reflexe est, d’une part, le résultat d’un déséquilibre de déclenchement des motoneurones présent dans la boucle gamma régulant la contraction musculaire.
D’autre part l’inhibition motrice semble avoir une origine centrale, impliquant des réarrangements corticaux temporaires ou durables, en particulier dans les régions sensorielles et motrices.
Une perspective de rééducation : l’imagerie motrice
L’imagerie motrice se définit comme la répétition mentale d’une action motrice sans exécution physique. Cette pratique mentale est notamment très intéressante du fait des propriétés d’activation de certaines régions motrices, faisant d’elle un potentiel outil thérapeutique. Dernièrement publiée dans le cadre d’une immobilisation 3, l’imagerie motrice se révèle comme une pratique à utiliser pendant la période d’inertie afin de limiter les effets délétères au niveau du fonctionnement sensorimoteur. Pour ce qui est des inhibitions motrices, seul une récente étude semble s’être intéressée à l’effet prometteur de l’imagerie motrice 4.
Cliniquement, son association dans le cadre de la méthode Allyane avec de l’écoute de sons de basses fréquences ont déjà sensibilisé les professionnels de santé à l’utiliser pour faciliter la récupération musculaire au cours de la rééducation.
Typhanie Dos Anjos – Responsable recherche Allyane – Docteure en neurosciences
REFERENCES :
1. Newbold, D. J. et al. Plasticity and Spontaneous Activity Pulses in Disused Human Brain Circuits. Neuron 107, 580-589.e6 (2020).
2. Lepley, A. S. & Lepley, L. K. Mechanisms of Arthrogenic Muscle Inhibition. Journal of Sport Rehabilitation 1–10 (2021) doi:10.1123/jsr.2020-0479.
3. Debarnot, U. et al. Motor imagery practice benefits during arm immobilization. Sci Rep 11, 8928 (2021).
4. Oda, S. et al. Promising Effect of Visually-Assisted Motor Imagery Against Arthrogenic Muscle Inhibition – A Human Experimental Pain Study. J Pain Res 14, 285–295 (2021).